27 janvier 2007

MOZART ASSASSINES

Je ne parle plus ici d’enfant, de procréation, cette lubie qui illumine l’aveugle, satisfait l’instinct, contente l’optimiste et ravit le raté*. Je n’aime pas les enfants. En tant que créations de leurs parents - souvent leurs seules -, ils m’agacent. Me préservant de leur contact, j’arrive à les oublier et ne pas subir la tyrannie de cette pression sociale pourtant de plus en plus pesante. A 35 ans, ce besoin de me reproduire m’a donc passé. Il est désormais assez peu douloureux de me fondre dans la solitude éternelle et j’ai contaminé mon aimée qui déclare ne pas vouloir de grossesse non plus.

Parfois, du fond de mon cachot de confort, à chaque confrontation avec l’image de l’enfant, j’y pense pourtant encore. Sur l’écran, des gens de prés de dix ans de moins que moi sont déjà à la tête de famille nombreuse, ils ont l’air heureux. Dans ma boite aux lettres électronique, je reçois régulièrement moult rapports de crèches et photos du petit dernier exhibés tels les insignes de la légion d'honneur. Je reçois ainsi de nulle part, et alors que je n'ai plus de nouvelles d'elle depuis douze ans, la photo d'une vieille relation, ancienne désaxée notoire, l’esprit d’une huître dans le corps d’une camionneuse, que j’ai pratiquement guidé à la lampe de poche jusqu’au lit de sa première expérience sexuelle. C’était une enfant modèle, ultra protégée, bonne élève en classe, qui, comme souvent à partir de l’adolescence, est partie en vrille, sous le regard lâche de ses parents, classe moyenne aux trente-cinq heures captivée par sa quarantaine, et celui de sa grande sœur, une nymphomane notoire à la recherche, dès ses premières règles, du Mâle qui pourrait reprendre le flambeau financier de son père.
Pendant dix ans, j’ai vu errer cette graine de toxico qui traînait son mal-être dans un bain de médiocrité pavillonnaire. Inadaptée, sûrement trop originale, trop intelligente - et il en faut peu - pour ses pairs.

Sur le site de mise en contact d’anciens camarades de classe, je vois sa photo vieillie. Elle pose avec un large sourire que je ne lui ai jamais connu et qui illumine sa vilaine tête. Elle est étendue à côté de son bébé prénommé "mon ange". D’ailleurs, les deux autres espaces réservés à ses photos d’identité sont entièrement consacrés à "mon ange". Il suffit d’une rapide balade virtuelle dans les couloirs du collège de mon adolescence pour constater que beaucoup de ces anonymes coincés de l’époque sont aujourd’hui de fiers parents mettant leur progéniture en avant dans les espaces qui sont au départ réservés à leur description personnelle. C’est symptomatique, deux cas sur trois adoptent cette posture, véritable substitution d’identité. Et dire que l’on peut être condamné pour détournement de mineurs à la seule évocation du mot "zizi" à moins de cinq cent mères d’une école élémentaire et que chaque jour des centaines de dossiers d’adoption sont refusés par la DDASS à des parents sous prétexte qu’ils n’ont pas une moralité exemplaire !

Pendant ce temps, tyrans comme des lapins au rythme de deux enfants par pondeuse, nos biens heureux locaux, prototypes standards de la vacuité occidentale, sous prétexte que cela leur fait oublier leur médiocrité, abusent de l’image d’êtres innocents !

Moi, jusqu’à preuve du contraire, je me conjugue à la première personne. Mais, ne soyons pas définitifs ! Certes, je ne crois qu’à la génétique en matière de reproduction suivant une équation qui a fait ses preuves :

Un enfant = 98% de génétique et 2% d’éducation.

Mais, des coups de génie peuvent survenir. Ils sont les exceptions qui confirment la règle. Deux esprits brillants aux physiques exemplaires peuvent en effet pondre le plus caricatural des crétins heureux. De même, deux abrutis, au hasard un mi-gradé de gendarmerie et une assistante-commerciale végétative, peuvent engendrer un Mozart. Selon le célèbre principe de Morandini, la combinaison et l’historique généalogique, l’appartenance à un patrimoine commun font que tout est possible. Il est également probable que, dans ce cas, les parents benêts s’emploieront dès les premières minutes de son existence, à piétiner de leur ignorance et de leur suffisance crasses toutes les facultés du futur génie.

Les années suivantes, comptons sur l’éducation nationale et sa mise au niveau générale sur le rythme du plus médiocre, pour annihiler au plus vite le résidu de potentiel qui subsisterait encore chez notre brillant sujet.

* je renvois pour de plus amples informations à la lecture d'Avatar, un enfant du siècle, un ouvrage brillant et haut en couleur, ouvertement humaniste, que l'on peut se procurer pour une somme modique rapportée au travail fourni.

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